par Agnès Pizzini
De Beijing à la Muraille de Chine en passant par Xi’An et les villes fortifiées
Dès l’arrivée à Pékin, nous voici propulsés dans le bastion de la civilisation chinoise et le centre politique où se façonne l’avenir du pays. Aujourd’hui moteur économique et creuset de la scène culturelle, la capitale du Nord a été une grande cité impériale. L’histoire y a laissé des empreintes profondes, de Gengis Khan à Mao. Loin de la frénésie des mégalopoles comme Shanghai ou Hong-Kong, la ville possède un extraordinaire patrimoine architectural. Elle a su préserver ses vieux quartiers des Hutong dans lesquels règne une ambiance presque villageoise.
Pour une première rencontre avec la ville, la visite du merveilleux temple du Ciel et son parc aux 4000 cyprès est idéale. Edifié en 1420, ce temple, chef d’œuvre de l’architecture chinoise, est construit d’après la conception confucéenne selon laquelle le ciel est rond et la terre carrée. Dans le magnifique parc aux arbres pluri-centenaires, les Pékinois jouent au ping-pong, pratiquent le tai-chi ou dansent le tango au son de la musique électro. C’est l’occasion d’un premier contact avec les Chinois, les enfants sont un peu gênés d’être dévisagés puis finissent par rougir d’être pris en photo, ou touchés par les plus téméraires.
D’aplomb après une bonne nuit de sommeil, nous partons à la découverte de la Cité Interdite. Immense, majestueuse, située en plein cœur de la ville, la résidence des empereurs chinois a été durant 5 siècles le centre politique de l’Empire du Milieu.
On imagine Pu Yi, le dernier Empereur de Bertolucci, si seul dans cette cité de 72 hectares alors qu’il y a tant de monde aujourd’hui. Presque aucun occidental, mais des milliers de chinois venus de tout le pays, Tibétains, Ouïgours, Mongols… Si la Chine est peuplée à 94% de Han, s’y ajoutent plus de cinquante nationalités minoritaires.
Nous traversons différents palais aux noms évocateurs : le palais de l’Harmonie suprême, de la Pureté céleste, de la Tranquillité terrestre…
La tranquillité, nous la trouvons dans la partie nord-est de la cité. Il faut payer pour y accéder via le mur des Neuf Dragons mais nous sommes désormais presque seuls. Nous déambulons à travers les appartements privés des concubines et les salles du palais de la Longévité tranquille. Il a été conçu par l’empereur Qianlong pour y passer une retraite heureuse.
Après la Chine impériale, il faut plonger dans les Hutong, lacis inextricables de ruelles dont l’origine remonte au XIIIème siècle, émaillés de maisons basses en briques ou en bois, où un mode de vie communautaire résiste encore.
Nous sautons dans un taxi si peu cher, qu’il serait dommage de s’en priver. L’astuce en Chine, où personne (ou presque) ne parle anglais, est d’avoir toujours sur soi, l’adresse de sa destination en idéogrammes chinois.
Ici on trouve des échoppes avec toutes sortes de choses à grignoter ainsi que des petites boutiques avec des souvenirs sympas à ramener. Les enfants jettent leur dévolu sur une gourde Totoro, star aussi en Chine, et un panda-Lego, animal fétiche des chinois.
Le challenge de fin de journée consiste ensuite à aller retirer nos billets de train pour notre trajet Pékin-Xian en train de nuit. Pour nous rendre à la gare, nous optons pour le métro, simple et rapide pour effectuer de grandes distances et éviter les gigantesques embouteillages aux heures de pointe. C’est l’occasion d’observer les Chinois occupés à l’un de leur passe temps préféré : surfer sur Internet depuis leur téléphone. Ici, on ne connaît ni Facebook, Twitter ou Google, interdits de séjour en Chine. En revanche, le pays a développé ses propres réseaux sociaux et applications. Et 91% des internautes chinois possèdent un compte sur au moins un réseau social (chinois).
A la gare tous les affichages sont en caractères chinois, et après avoir patienté dans une ou deux file d’attentes inutilement, nous récupérons nos billets, que nous avions heureusement réservé plusieurs semaines avant notre départ.
Impossible de quitter Pékin, sans gouter à sa spécialité : le canard laqué, une expérience culinaire inoubliable. Sa préparation est en soi tout un art : le canard est ébouillanté dans une eau parfumée au gingembre, badigeonné de miel, puis rôti. Il faut ensuite déguster la chair et la peau croustillantes enroulées dans de petites crêpes, où l’on glisse également des crudités que l’on trempe dans une sauce brune sucrée et agrémentée d’oignons nouveaux. Un délice.
La gastronomie occupe une place importante dans la vie quotidienne des Chinois. Riche d’une tradition millénaire, c’est l’une des plus variée au monde et l’on dit qu’une année ne suffit pas pour gouter toute la gamme de plats, de goûts, de saveurs qu’offre la Chine.
Aux environs de Pékin, il ne faut pas manquer l’excursion à la Grande Muraille. A deux heures de route, Mutainyu offre un accès à l’une des plus belles parties de la Grande Muraille qui serpente sur les crêtes entre forêts et collines escarpées. On a beau l’avoir vue en photo ou à la télé, le site est époustouflant. Les enfants imaginent les gardes de l’Empereur sillonner la muraille, et nous les milliers d’ouvriers qui se sont, littéralement, tués à la tâche. Malgré la chaleur, il faut se lancer dans l’ascension. Ca monte beaucoup, ca descend parfois. Des pans entiers de la muraille ont été restaurés, d’autres parties ont été démolies par les habitants. Au fil des siècles, ils se sont servis des briques pour construire leurs maisons. Des scientifiques ont récemment découvert que la grande robustesse de la muraille était due à l’enduit utilisé, à base d’amidon de riz !
Après une nuit passée dans le train, qui ressemble à nos trains de nuit la bouilloire pour le thé en plus, nous arrivons à Xi’an. C’est ici que gît la plus grande armée de terre cuite, l’un des plus grand site touristique du monde. Les soldats frappent par leur taille au dessus de la moyenne entre 1,75 m et 1,96 m. Ils possèdent tous un visage et une expression différente. La précision des détails, des coiffes, des armures et même des lacets de chaussures laisse pantois.
Il y a là des touristes de la Chine entière, beaucoup n’ont jamais vu d’occidentaux. Il devient difficile de faire trois pas sans que les enfants soient sollicités pour poser sur des photos. Ils ont pris l’habitude et s’amusent follement à prendre la pose.
La ville de Xi’an, ancienne capitale politique vivante et chaleureuse, mérite qu’on s’y arrête plus d’une journée. A la tombée de la nuit, l’ambiance est à la fête dans le quartier musulman. Les Hui, chinois musulmans sont installés en Chine depuis le VIIème siècle, moins de vingt ans après la mort de Mahomet. Ici, des petits restaurants proposent des spécialités du centre de la Chine, soupes de mouton et gâteaux à la cacahouète. Attention, les plats sont king-size. Il est conseillé de commander au fur et à mesure.
En quelques heures de train, nous voici à Pingyao, la ville fortifiée la mieux conservée de Chine. Une miraculée au charme fou qui n’a pas bougé depuis le XIVème siècle. Les nobles demeures côtoient les échoppes en bois ; les ruelles sont éclairées le soir par des lanternes rouges. Un ticket acheté à l’office du tourisme donne accès aux remparts et aux demeures des riches commerçants qui ont fait la prospérité de la ville. La plus impressionnante est celle du teinturier qui devint le premier banquier de Chine. Pingyao est idéale pour flâner ou observer les joueurs de go postés sur les trottoirs. Le centre ville est piéton et il règne dans la cité fortifiée un calme appréciable. Seuls les scooters électriques sont autorisés à circuler. La Chine a récemment pris conscience des graves problèmes de pollution, et le gouvernement chinois se paie désormais des technologies de pointe pour que développement économique ne rime plus avec environnement sacrifié.
La belle ville marchande est également l’endroit idéal pour rayonner dans la région riche en excursions, généralement organisées avec les hôtels. Nous avons trouvé la parade pour communiquer avec les chinois en utilisant nos applications téléphones qui permettent d’obtenir la traduction d’une phrase simultanément en anglais. Une visite de la résidence de la famille Wang s’impose. Le clan Wang se perpétua sur 26 générations et 680 années. La demeure de ces riches marchands ressemble à un château avec ses 250 000 m2, soit 231 cours et 2078 chambres ouvertes au public.
LE WESTIN DE XI’AN
Conçu par les talentueux architectes de Neri & Hu Design, le Westin de Xi’an, ancienne capitale chinoise où est enterrée l’armée de terre cuite, se situe entre l’hôtel de luxe 5 étoiles et la galerie d’art. Comme le rappelle le directeur hongkongais Peter Kwok « l’hôtel est un musée ainsi qu’un concept ».
Il a fallu s’adapter aux contraintes d’urbanisme : ne pas dépasser la magnifique Pagode de l’Oie sauvage, vieille de 13 siècles, auquel il fait face. Les architectes se sont servis de cette contrainte pour faire du Westin, un établissement où se mêlent passé, présent et futur, profondément ancré dans l’histoire comme dans le sol lui même.
L’utilisation de stuc sombre et de pierres cuirassées sur la façade rappelle les imposants et ancestraux remparts qui entourent la ville de Xi’an. Le toit en pente, typique de l’architecture chinoise, forme des lignes épurées et contemporaines.
Chaque ouverture dans la façade, soulignées de rouge, offre une vue directe sur la Pagode de l’Oie sauvage.
Parce que l’hôtel s’étend en largeur et en profondeur, les architectes se sont servis de l’espace pour décliner le concept de « la boite dans la boite ». Les chambres sont donc agencées autour d’un patio, où flottent des ombrelles rouges, qui donne accès en contrebas aux restaurants et au Spa.
Pour la décoration, les designers se sont inspirés du style Ming, avec pour dominantes le rouge et le gris, et du style contemporain où le bois apporte élégance et sérénité.
En pénétrant dans le hall, on foule du pied sans s’en rendre compte les mêmes dalles patinées que celles de la Cité Impériale, et qui dégagent l’odeur si particulière de l’huile utilisée pour les lustrer.
Au Mix-bar, les grands crus de Bordeaux sont à l’honneur, et plus particulièrement le Saint Emilion Château Haut-buisson produit sur les terres de Peter Kwok, heureux propriétaire des lieux et du Westin de Lhassa au Tibet. Le francophile homme d’affaire hongkongais est le premier chinois à avoir investi dans le vignoble français en 1997. La famille Kwok possède aujourd’hui des terres à Saint-Emilion et Pomerol.
Chez les Kwok, on aime le design et la culture. Une partie de leur collection personnelle, dont des céramiques de Picasso, est exposée à l’entresol dans un intéressant petit musée. L’établissement propose 3 restaurants, 3 ambiances différentes. Au restaurant chinois, le Five Zen5es, on dine dans une ambiance chaleureuse et tamisée, où des cages à oiseaux suspendues ont été transformées en lanternes. Le Mai offre le meilleur de la cuisine contemporaine japonaise et coréenne. Le concept du restaurant est inspiré par la scène de théâtre Kabuki où les acteurs entourent le public. Les convives sont placés en léger contrebas de la salle et les serveurs, en tournant tout autour, composent un ballet.
Le petit déjeuner au Seasonal taste, avec vue sur le Sunken Garden, est un moment d’enchantement. Ce jardin zen, au milieu duquel se dresse un petit autel, a été pensé par un artiste taïwanais. Le soir, il se pare de lumière rouge, en souvenir du mariage ici célébré de la petite sœur de Peter Kwok.
LE PENINSULA BEIJING
Situé au centre de Pékin, à quelques pas de la Cité Interdite et de la Place Tian’anmen, le Peninsula Beijing a fait peau neuve. Il s’est inspiré de la richesse culturelle de la Chine, de son savoir-faire ancestral et du dynamisme de la scène artistique chinoise contemporaine. Il suffit de mettre un pied dans le lobby de l’hôtel, vaste, sobre et design, pour se rendre compte que l’audacieux pari est réussi.
C’est par le portique chinois, le pailou autrefois réservé aux personnalités impériales que l’on pénètre dans l’établissement. Les colonnes de marbre, l’onyx blanc et le sol gris confèrent au lieu une ambiance de calme et de sérénité.
En collaboration avec le Musée d’art contemporain de Pékin, l’établissement a intégré à sa décoration une collection d’œuvres d’art, comme les deux peintures à l’encre sur fond de bleu-cobalt, de cinq mètres de haut de part et d’autre du grand escalier de marbre. Dans le cadre de son programme Art Residency, l’hôtel propose également à des artistes de travailler en résidence durant 3 mois et de s’emparer d’une chambre. Les œuvres ainsi créées sont ensuite exposées dans la galerie du 3ème étage.
De son côté, le décorateur Henry Leung a adopté les motifs classiques inspirés d’anciennes calligraphies chinoises pour leur donner une forme contemporaine. Ainsi l’hexagone impérial constitue un motif récurrent au sein de l’hôtel. Il s’inspire pour partie de la carapace d’une tortue, symbole de la longévité dans la culture chinoise, et de la fleur de pivoine, symbole de richesse et d’honneur. Les 525 chambres et suites ont été repensées afin de créer 230 chambres de style suites, chacune avec chambre, salon, salle de bain et dressing. Le mobilier a été désigné par l’illustre maison italienne Cassina. Les 3 restaurants de l’hôtel sont dirigés par le chef français Dominique Martinez, qui a travaillé dans des restaurants étoilés au Luxembourg, en Allemagne et à la Barbade.
Au Jing, restaurant d’inspiration méditerranéenne, la star c’est le produit : frais, bio et de saison. Ici, tout est cuisiné à la minute. Le Chef a parcouru la Chine afin de dénicher les meilleurs produits. Il travaille désormais avec 20 fermes qui fournissent légumes, fruits, viandes, miel, truites et saumons. Le Bœuf Wagyu et ses petits légumes est à tomber, mais le Chef avoue avoir un faible pour le flétan d’Atlantique aux carottes nouvelles, Tobiko (œufs de poisson volant) et sa sauce brune.
Au restaurant Huang Ting, dont la décoration s’inspire de maisons traditionnelles, la gastronomie chinoise est à l’honneur. On y propose une cinquantaine de variété de thés, dont celui de saison élaboré par le maître de thé.
Après une pause goûter au Lobby, il est recommandé de s’inscrire à l’atelier chocolat orchestré par le talentueux chef pâtissier Frédéric Moreau. On y apprend à confectionner des bonbons en chocolat. Au menu : ganaches de Madagascar et du Ghana, relevées de badiane ou de piment d’Espelette, à fourrer avec du praliné, caramel, nougat, granola.